Face aux extrêmes : l’importance de la stabilité institutionnelle pour le redressement de l’économie française

La France doit en grande partie – ce qui fut pendant longtemps – sa notation AAA et ses emprunts obligataires à des taux décorrelés de sa capacité à rembourser sa dette, à l’extraordinaire stabilité politique de la Cinquième République. Cette stabilité attire les multinationales, qui trouvent en France un environnement institutionnel prévisible et fiable. Ainsi, la lisibilité des institutions françaises dans le temps long explique largement pourquoi la France est régulièrement célébrée par les classements comme première terre d’accueil des investissements étrangers en Europe. La création d’emplois, pour perdurer, préfère des règles du jeu impopulaires mais connues, à des mesures d’attractivité spectaculaires mais éphémères.

Cependant, la récente dissolution surprise de l’Assemblée nationale a entraîné un séisme politique qui a pris de court les décideurs économiques, dont l’immense majorité est silencieuse face aux enjeux critiques auxquels les Français font face. Même si je suis pour ma part convaincu que les entreprises ont une fonction citoyenne, et que la Cité attend par conséquent de leurs représentants qu’ils jouent leur rôle, ce silence des grands patrons peut se comprendre : les dirigeants des entreprises publiques comme privées ne veulent pas créer de remous parmi leurs salariés, dont certains votent pour les extrêmes LFI et RN, ni perturber les relations commerciales avec leurs fournisseurs, clients, actionnaires, partenaires etc., qui eux aussi, statistiquement, ont trempé dans les votes populistes.

Pourtant, les dirigeants ont une responsabilité, celle de prendre soin de leur terrain de jeu sur tous les plans : humain, environnemental, économique, sociétal. Et les dirigeants d’entreprises françaises sont, par construction, des patriotes convaincus qu’il fait bon entreprendre en France. Certes, le pays cultive ses imperfections et a le don de faire sortir du chapeau des problèmes tous plus incongrus les uns que les autres. Mais quelle diversité ! Quelle créativité ! Quels talents ! D’André Citroën à Xavier Niel, qui a rendu l’usage de la téléphonie mobile accessible au plus grand nombre, de Jean-Luc Lagardère à Bernard Arnault, première fortune du monde, de Marguerite d’Hausen à Marie-Louise Jaÿ, l’Europe nous envie nos génies du business. Ces génies se sont aussi construits parce que la France propose ce petit quelque chose qui fait d’elle un pays unique à la Société des Nations : pays de la Déclaration Universelle des droits de l’homme, la France se veut porteuse d’un message empreint de valeurs d’exemplarité, d’ouverture et de tolérance que l’Occident tout entier s’est approprié comme siennes, et qui habitent l’Union européenne jusque dans sa doctrine de fonctionnement.

La lecture de chacun des trente articles de la Déclaration Universelle des droits de l’homme doit nous appeler à la responsabilité au moment de mettre le bulletin dans nos urnes : les extrêmes appellent au bouleversement de nos institutions. Institutions qui, depuis 1958, ont fait la preuve qu’elles sont les garantes du bon fonctionnement de notre démocratie et de la séparation des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire, mais aussi de la pérennité des entreprises qui soldent nos paies, et qui créeront demain les emplois de nos enfants. Il ne s’agit pas de ne jamais changer, mais de changer en adéquation avec nos principes qui échappent aux partis des extrêmes. LFI a fondé sa campagne européenne sur un antisémitisme assumé qui se rappelle, de l’Affaire Dreyfus à la Rafle du Vel d’Hiv’, aux pires relents de notre Histoire récente, et mis l’irresponsabilité économique au coeur de son programme en voulant, pour séduire les masses, creuser brutalement un déficit public dont on sait qu’il est déjà difficilement soutenable sans une savante combinaison de développement sans relâche des rentrées fiscales d’une part et de rigueur budgétaire d’autre part. Quant au RN, ses racines profondes puisent dans une xénophobie nauséabonde – la garde rapprochée de la patronne est constituée d’anciens gudards, authentiques fascistes biberonnés à l’idéologie néonazie du national socialisme qui veut d’abord mettre un terme à la liberté de la Presse, puis à l’Etat de droit – malgré la malice qu’il a eue de se constituer durant des années durant une vitrine que certains jugent présentable.

J’ai pour ma part la chance et le plaisir, chez BWI, de diriger une équipe majoritairement constituée de talents étrangers et de Français issus de l’immigration – votre serviteur y compris. Depuis les résultats des élections européennes et l’annonce de la dissolution du Parlement, nous avons déjà subi la rétractation d’un ingénieur à haut potentiel, que nous souhaitions faire venir en France, mais qui, à l’aube de fonder une famille, a jugé l’environnement politique et institutionnel contraire à la douceur et la volupté qu’exige l’arrivée d’un nouveau-né. Cette décision fut évidemment une défaite pour nous qui avions passé du temps à le détecter, à le qualifier, à le sélectionner, pour le talent lui-même qui avait fait le choix courageux de vivre la grande aventure de l’émigration vers la terre d’accueil de Marie Curie et de Tahar Ben Jelloun, et surtout pour la France, qui y perd à jamais les rentrées fiscales et sociales d’une famille éduquée et travailleuse, et de sa descendance. Je vous propose de faire de cet épisode récent, dont je fus aux premières loges, un épiphénomène, une exception, et non la règle. La France se trouverait marginalisée si l’un des partis extrêmes arrivait au pouvoir. Par voie de conséquence, ses élites céderaient aux sirènes de la concurrence internationale, entraînant une perte de compétitivité durable pour nos secteurs industriels, qu’ils fassent notre souveraineté, comme l’aéronautique ou le nucléaire, ou notre fierté, comme la science, le luxe, la gastronomie, ou encore le tourisme.

Les 29 et 30 juin, les 6 et 7 juillet de cette année 2024, ne nous trompons pas de combat : il ne s’agit pas de donner une note à soixante-six années de Cinquième République, à trente-et-une années d’Union Européenne, ni même aux sept années de la présidence d’Emmanuel Macron, mais de rappeler au monde, et de nous conforter dans notre for intérieur, que nous, Français, sommes fidèles aux principes républicains d’attachement à la liberté et à la démocratie, dont nous avons si régulièrement la fatuité de rappeler au monde occidental, qui se les est faites siennes, leur paternité. Si nous sommes vraiment attachés à défendre une certaine idée du monde, alors montrons l’exemple et préservons nos institutions. Préserver nos institutions, c’est la clé de voûte de la stabilité qui a fait notre attractivité et l’enchantement des investisseurs étrangers. Préserver nos institutions, c’est garantir l’avenir économique de la France et des emplois pour nos enfants !

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