Abrogeons les jours fériés pour relancer l’économie française !

376666_475469422499871_1915333819_n[1]Non je ne me suis pas spécialement réveillé ce matin en me disant que je me ferais plus d’ennemis que d’habitude aujourd’hui. Mais à force de (re)chercher des recettes de cuisine toutes plus farfelues les unes que les autres, de complexifier le paysage réglementaire de propositions de lois qui seraient peut-être efficaces si elles n’étaient pas immédiatement rabotées ou annulées par une contre-mesure tout aussi ésotérique à l’effet inverse au moindre départ de feu social ou émanant d’un groupe d’influence disposant des leviers nécessaires, et bien nos politiques en finissent par en oublier les fondamentaux : la création de richesses pour le plus grand nombre passe par la réhabilitation du travail, une valeur fondamentale pour certains, un gros mot pour d’autres, un tabou trop souvent. Révolutionnaire, n’est-ce pas ?

Il me semble que je peux capitaliser le temps de ce blog post sur une double légitimité pour évoquer le sujet du travail : primo, je ne suis ni encarté politiquement, ni affilié à aucun mouvement de syndicalisme patronal qui soit, donc ne prêche pour aucune paroisse en particulier ; secondo, je suis confronté au quotidien aux réalités économiques et sociales de mon pays en tant que Président et donc premier commercial de mon entreprise, Verteego, qui vend des services innovants de data management aux entreprises et aux collectivités. Voici pour ma double légitimité, et pour l’occasion, et bien nous sommes un lundi de Pâques, donc l’occasion de taper sur les jours fériés (nous allons y venir) est rêvée, et puis ça dort dans ma chaumière, donc j’ai les quelques minutes qu’il me faut pour fulminer sur mon clavier plutôt que dans ma barbe ou auprès de ma chère et tendre.

Un chef d’entreprise donc, d’une PME de surcroît, mais un chef d’entreprise qui appréhende le mois de mai qui arrive avec 3 « ponts » sur 4 semaines. En gros, cela veut dire qu’on oublie le business en mai comme on l’oublie en août pour cause pause estivale, en décembre car on prépare les fêtes de fin d’année, et en janvier car nos clients clôturent leur année fiscale. Vous l’avez compris, je n’ose même pas m’aventurer dans l’idée de toucher aux sacro-saintes 35 heures, mais je propose un avatar plus « soft » et il me semble acceptable de l’augmentation du temps de travail qui consisterait en l’abrogation pure et simple de la majorité de nos jours fériés nationaux. A voir au cas par cas en fonction de leur puissance symbolique et de leur légitimité historique et sociale. Ou bien appliquons carrément la règle du hasard pour déterminer quels jours fériés sauteraient en instaurant un devoir de mémoire sous la forme d’une minute consacrée au rappel de l’histoire.
Petit calcul de coin de table : mettons que sur la petite dizaine de jours fériés français nous en récupérions 5 au titre de la relance solidaire, cela fait 1 semaine de gagnée sur environ 40 semaines de travail. Soit 2,5% de croissance du temps de travail. Mettons qu’après retraitement du manque à gagner du secteur tourisme – hôtellerie – restauration – transports – loisirs il nous en reste 2%, cela fait un supplément de 2% d’output en provenance directe de nos fonctions de production, donc potentiellement 2% de PIB en plus ! au prix d’une petite semaine supplémentaire de travail qui en plus pourrait avoir la fonction de dé-cloisonner notre mois de mai fichu. Je ne sais pas pour vous mais moi, les 2% de croissance supplémentaires, je les prends avec le sourire dans la conjoncture actuelle.
Poussons la logique jusqu’au bout : on pourrait imaginer qu’une telle mesure n’entre en vigueur pour l’année calendaire suivante que dès lors que la croissance du PIB de l’année passée soit inférieure à 3%. Une manière élégante, je pense, de manier la carotte et le bâton en responsabilisant toutes les parties prenantes du développement économique et social de notre pays.

Supprimer les jours fériés : mazo le Jérém’ ? Faisons parler les chiffres de la comparaison avec l’Allemagne, un voisin plus peuplé, à l’histoire récente plus complexe (la réunification…), avec plus de voisins, donc en apparence plus difficile à gouverner, mais qui réussit comparativement beaucoup mieux que nous. Le temps de travail moyen d’un employé à temps plein en France est le plus bas d’Europe et se chiffre à 1.679 heures, soit 224 heures de moins qu’en Allemagne. 224 heures ! Dit autrement, toutes choses égales par ailleurs, un salarié en Allemagne travaille chaque année 6 semaines de plus qu’un travailleur français.
Et si la réduction du temps de travail en Europe est une tendance lourde des réformes politiques et sociales de ces 15 dernières années, la France a réduit de 270 heures le temps de travail obligatoire entre 1999 et 2010, contre 124 heures pour l’Allemagne sur la même période. Pour faire simple, disons qu’on va deux fois plus vite que nos voisins allemands dans la mise en place de mesures visant à travailler moins.
A côté de cela, le ratio de rentabilité d’exploitation sur le chiffre d’affaires était en 2012 de plus de 6% outre-Rhin, contre 5,6% côté hexagonal. Soit 10% d’écart de performance entre nos entreprises en moyenne : c’est colossal. Pour rappel les Allemands travaillent environ 15% de plus (cf. nos 224 heures ci-dessus).

A l’heure où notre économie peine à se relancer, où le populisme gagne chaque jour du terrain, où le chômage atteint des sommets historiques sans que ne vienne poindre à l’horizon le moindre espoir d’une inflexion, où nous ne cherchons même plus à habiter le costume de « grande puissance moyenne » qui fut jadis le nôtre, il me semble que réhabiliter le travail dans sa forme la plus noble pour laisser à nos entreprises une marge d’investissement dans de nouveaux projets, à nos équipes le temps d’employer leur créativité à proposer de nouveaux produits ou services plutôt que de courir derrière la montre en permanence, aurait pour effet d’envoyer un signal, celui d’un effort de la population active pour une relance consciente de sa production en retrait face à la concurrence, de renforcer la crédibilité de la marque France aux yeux des investisseurs internationaux à la recherche des territoires les mieux positionnés pour participer aux échanges de demain et les mieux à même de les aider à s’insérer au mieux dans la mondialisation, et de créer immédiatement un surplus de valeur ajoutée qui se traduirait mécaniquement et instantanément dans nos indicateurs macroéconomiques. Le message serait « Nous, Français, ne sommes pas les fainéants que vous imaginiez. Nous avons des gens extraordinaires d’inventivité et de savoir-faire, et nous prenons soin de leur laisser le temps de réaliser leur potentiel !« .

1309-07[1]Je ne pense pas que ces quelques jours – une semaine de travail disions-nous – soient à même de porter atteinte à notre productivité, présumée élevée, a fortiori s’ils sont consacrés à la mobilisation des forces vives des entreprises et des collectivités autour de projets de transformation par le numérique, pour préparer les organisations à leurs réalités de demain.

Un jour quand je le pourrai, j’essaierai d’écrire sur la nécessité absolue d’ouvrir grand les vannes de l’immigration aux classes de travailleurs dont nous manquons le plus et de concevoir et mettre en oeuvre un véritable marketing de notre territoire auprès d’entrepreneurs, d’où qu’ils viennent : paradoxalement, l’immigration qualifiée est un vecteur majeur de création d’emplois.

Sources (par souci d’anticipation…) :

Coe-Rexecode sur la comparaison France / Allemagne des temps de travail à partir de données Eurestat 2012

Chiffres OCDE 2013 sur les temps de travail annuels dans un certain nombre de pays

Une étude de la BACH (Bank for the Accounts of Companies Harmonized) datant d’octobre 2014 sur la profitabilité des entreprises dans un échantillon de pays européens

Pourquoi la France est une terre fertile pour investir en R&D

J’ai été interpellé par un article publié hier par le New York Times, Au Revoir, Entrepreneurs, qui raconte une histoire – un peu trop teintée de French Bashing à mon goût – d’un entrepreneur français parti s’installer à Londres car dégoûté des lourdeurs administratives, fiscales et sociales françaises, ainsi que de la morosité hexagonale. J’ai cofondé (au travers la même société, Emerald Vision SA, et avec la même équipe) Verteego il y a 6 ans, et Jolicharts il y a 2 ans. Nous avons investi en moyenne sur les 3 dernières années 83% de notre produit d’exploitation en R&D. Et ce n’est pas près de s’arrêter. Nous avons rapatrié des jobs d’ingénieur R&D de l’Inde vers la France grâce à la combinaison JEI + CIR + CII + présence d’une BPI France plus dynamique que jamais. Pourtant, nous pourrions exercer notre métier depuis partout dans le monde, et nous avons choisi Paris. En grande partie car pour moi, lorsqu’on choisit de ne pas passer trop de temps à s’occuper de ces mécanismes plutôt que de ses clients, la France est un véritable paradis fiscal pour les sociétés intensives en R&D. Discutons-en quelques instants. Pour reprendre l’article du NYT, Oui il est certain Londres est par rapport à Paris une ville plus importante et plus internationale, mieux insérée dans la mondialisation, qui attire plus de talents et d’investissements, mieux reliée au continent américain (pour des raisons linguistiques) comme au continent asiatique (pour des raisons migratoires), et de manière générale qui traite des volumes d’affaires plus importants que la place parisienne, qui pourtant fait plus qu’amende honorable à l’échelle européenne. Même si tout n’y est pas rose (notamment les salaires des développeurs, en raison de la concurrence des banques dont l’IT est l’usine), il est clair que Londres compte de nombreux atouts. Et Oui encore, ça va mal en France: depuis la création de l’euro en 1999, le PIB par tête a augmenté de 0,8% par an en France, contre 1,3% en Allemagne. Notre coût du travail était inférieur à l’Allemagne à l’époque, il lui est maintenant supérieur. Nos volumes à l’export représentaient 60% des volumes allemands, contre moins 40% aujourd’hui. Notre taux de chômage culmine à 11%, contre à peine plus de 5% outre-Rhin. Notre déficit public est de 57% du PIB, le taux le plus important de la zone euro. Et malgré les beaux discours la tendance n’est manifestement pas à la réduction du train de vie – donc des effectifs – des administrations de l’Etat. Quant au ‘choc de simplification’, on attend toujours: allez expliquer à un anglais qu’en France il existe 214 taxes, ou encore à un brésilien que la France compte 36.000 communes alors qu’au Brésil il y a 5.500 communes pour près de 6 fois plus d’habitants. Oui enfin, car c’est viscéral chez lui, le gaulois est critique, morose, râleur, railleur, jamais content, jaloux du succès des autres. Et l’on n’y changera rien. Ou pas rapidement. Donc Londres, pourquoi pas après tout. MAIS (car il y a plusieurs mais), en France, on a, quand on fait de la R&D et de l’export, des outils formidables à disposition du financement de sa croissance. – le statut de Jeune Entreprise Innovante, une sorte de label du Ministère de la Recherche, qui permet de bénéficier de charges sociales amoindries; nous en bénéficions moins significativement qu’avant mais cela nous a bien aidé à traverser les premières années jusqu’à atteindre le point mort en 2011; – le Crédit d’Impôt pour la Recherche, éventuellement combiné dorénavant au Crédit d’Impôt Innovation, qui permet de ‘récupérer’ grosso modo 30% de ses investissements en R&D, avec des délais de collecte tout à fait raisonnables (nous constatons entre 2 mois les bonnes années et 5 mois les années de demandes d’approfondissement, ça reste très correct pour l’administration fiscale). C’est un dispositif extraordinaire d’efficacité et de simplicité (un simple formulaire à remplir chaque année) et qui rend nos investissements exceptionnellement élevés en R&D viables du point de vue de nos actionnaires: ce n’est pas pour rien si Rakuten vient d’annoncer qu’il choisissait la France plutôt que le Luxembourg ou … Londres pour y implanter son centre de R&D; – la loi TEPA, dont nous avons bénéficié lors de nos 3 tours de financement auprès de 40 investisseurs et qui a facilité la défiscalisation partielle de leurs participations à nos augmentations de capital; – BPI France, la fameuse Banque Publique d’Investissement, machine de guerre au service des projets des entreprises devenue aujourd’hui le premier capital-investisseur d’Europe!, qui nous a financé sous la forme d’une subvention une étude de faisabilité technique immédiatement dès notre création, puis avancé à taux zéro une somme considérable au travers l’appel à projet gouvernemental Eco-Industrie pour bâtir le prototype de notre plateforme Verteego ensuite, puis alloué avec le CFI (voir ci-dessous) une enveloppe pour peaufiner la UX de Jolicharts; – le PEA PME, c’est tout nouveau mais l’idée est là. Et à Paris: – le Centre Francilien de l’Innovation (CFI), guichet unique des projets d’innovation, efficace et facilitateur de projets européens; – l’Agence Régionale de Développement Paris Ile-de-France, qui nous file un gros coup de main à l’export (décoration de notre stand au Brésil; mises en relation très qualifiées en Chine,…) – la Région elle-même, avec le dispositif PM’Up, qui comprend contrairement aux idées reçues très bien les contraintes et réalités des PME et prend à sa charge de manière souple et rapide une partie du BFR de vos projets d’accompagnement. Et pour exporter (nous sommes en plein dedans avec l’ouverture à suivre de nos filiales chinoise et brésilienne): – BPI France toujours, qui peut financer la capitalisation de vos filiales; – la COFACE, qui vous assure contre l’échec commercial à l’export! – Ubifrance, véritable prolongation mondialisée de vos efforts de prospection, à des tarifs imbattables; – Vivapolis, si vous travaillez sur le thème de la Ville Durable, la France au travers son Ministère du Commerce Extérieur vous aide même à vendre en meute partout dans le monde votre savoir-faire. Cela fait 30 ans qu’Allemands et Suédois font ça très bien, et comme on sait comment ça fonctionne, ça va produire des résultats très tangibles. Vous comprenez pourquoi je suis choqué de la diatribe du NYT, et de manière générale des entrepreneurs qui dénigrent la scène française. Même si dans le cas de l’entrepreneur de l’article du NYT qui ouvrait des centres dentaires à Marseille, il est certain que ce business low tech ne lui permettait pas de bénéficier du coup de pouce à la française à la technologie, la fameuse combinaison JEI + CIR + BPI France. Comme je l’avais dit aux Echos il y a quelques temps, sans cette combinaison nous serions sans doute ailleurs, mais ces dispositifs existent bel et bien, fonctionnent bien, donc je ne comprends pas comment le NYT parvient à écrire que les entrepreneurs disent au revoir à une France qui se plie en quatre pour augmenter les ressources en R&D de ses jeunes entreprises innovantes. Cela ne correspond pas du tout à la réalité. Chez Verteego et Jolicharts, nous disons mille fois merci aux technocrates à l’origine de ces mesures qui nous permettent aujourd’hui d’avoir une équipe formidable au quotidien, des clients fidèles qui nous emmènent chaque année plus loin dans leur intimité, et des projets de dépassement de nous-mêmes tant en matière de R&D&I que de développement au-delà de nos frontières. La réalité, c’est que ce sont les gros patrimoines qui fuient la France en raison d’une fiscalité trop élevée; et ça c’est bien dommage car cela dissipe à la concurrence du savoir-faire de haut niveau (souvent) et de la capacité d’investir (certainement). Et ça stigmatise encore plus ‘les riches’ alors que les riches sont justement une denrée rare. Et ça crée une pression improductive, force contraire de la fonction de réussir! La réalité, c’est que comme me l’a souvent dit l’un de nos actionnaires de la première heure, Jérémie Berrebi, il est plus facile en France de divorcer que de se séparer d’un salarié. L’Angleterre a fait pas loin de 3% de croissance de PIB au Q4 2013 contre même pas 1% pour la France: la faute à la frilosité des entreprises françaises à réembaucher pour suivre la reprise! C’est effectivement se tirer une balle dans le pied. On le sait. La réalité, c’est que la France ne sait pas progresser par petites touches en raison des nombreux micro-groupes d’intérêts qui abusent de leur fonction économique pour bloquer le pays à la moindre proposition de mesure qui toucherait à leurs intérêts immédiats. La France, peut-être par manque de talent de ses politiques, ne sait faire que dans la révolution, pas dans l’évolution. Bon alors bien sûr, le revers de la médaille est qu’en France plus qu’ailleurs, malheureusement, even dead sausages can fly! Il y a tellement d’aides que certaines sociétés en oublient de se focaliser sur la valeur ajoutée clients et utilisateurs pour chasser les primes et les prix: je les appelle les saucisses mortes mais quand même volantes. But this is another story.