Peut-on encore, en France, éviter une récession ?

A Antibes. Une photo de Reuben Mcfeeters, de Belfast.

La réponse est non. Conséquence d’une conjonction de facteurs dont la Guerre en Ukraine, nous ne pouvons plus éviter la récession en France. En voici les raisons.

Notre économie productive est trop dépendante de tout : à chaque tonne de matière première – plastique, gaz, pétrole, aluminium, cobalt, nickel, café… – que nous faisons venir de l’extérieur sauf le lait et le blé, à chaque composant électronique qui rentre sur le territoire pour y être assemblé lorsque ce n’est pas un produit électronique fini qui arrive, à chaque logiciel anglais, belge ou américain acheté par nos entreprises, à chaque machine japonaise, tchèque ou allemande commandée, l’argent sort de l’hexagone par milliards chaque jour pour n’y rentrer à nouveau épisodiquement, lors de l’achat de produits de luxe ou de séjours hôteliers pour congrès ou vacances.

Si notre déficit commercial n’est pas nouveau, son accélération ne l’est pas non plus. Les remèdes (nos startups devenues scale-ups qui à leur tour s’internationalisent et séduisent une clientèle internationale, la stratégie de réindustrialisation initiée avec la crise du COVID, les programmes de réinvestissement de nos ETI et grandes entreprises fortes des CAPEX non déployés issus des réserves constituées pendant la pandémie et les difficultés à recruter des talents, l’éducation et la formation,…) existent et sont clairement identifiés.

Mais la récession, c’est autre chose. L’arrivée d’une période de récession économique est propulsée par le retour de l’inflation, conséquence directe de deux crises :
– les séquelles du COVID en matière de facture des importations (multiplication par 6 des coûts du transport maritime, pénurie de composants électroniques à l’échelle mondiale avec le facteur aggravant que les grands constructeurs automobiles et informatiques préemptent la moindre nouvelle production de composants) ;
– la guerre en Ukraine dont nous allons parler.

La réalité de la fuite des devises de l’hexagone est exacerbée par la guerre en Ukraine. La guerre en Ukraine nous rappelle notre dépendance – contenue grâce au nucléaire – aux industries d’extraction russes, comme l’arrêt du transport maritime nous eut montré que nos propres usines d’assemblage se mettent à l’arrêt lorsque les usines de fabrication chinoises sont dans l’incapacité de nous livrer.

Le plus grave, c’est que d’autres autocraties comme la Chine et l’Iran observent avec intérêt les difficultés qu’ont les Occidentaux à sanctionner la Russie d’un embargo.
Par exemple, l’Allemagne, pour des raisons de dépendance économique, ne peut s’interdire de commander du gaz russe. Quant au pouvoir hongrois favorable à Poutine, il pèse pour bloquer les décisions de l’Union Européenne et pour ralentir les livraisons d’armes à l’Ukraine.
Quelque part, la Chine a forcément déjà fait le calcul qu’une invasion de Taiwan ne rencontrerait en guise de seules représailles que des discours offusqués de la part des chefs d’Etat occidentaux dont les économies sont de toutes manières dépendantes et dont les conséquences sociales d’un boycott des importations chinoises fragiliserait trop le pouvoir en place pour être envisagé.
Ces facteurs d’incertitudes engendrent l’apparition de nouveaux risques géopolitiques, et ces risques, les entreprises les provisionnent forcément, au moins partiellement, dans leurs comptes en anticipation de leur éventuelle réalisation. Cette création de provisions ralentira le déploiement de capitaux (et donc la modernisation de l’outil de production, et donc la création d’emplois, et donc l’innovation) et diffèrera la création de valeur dans nos économies.

Voilà pourquoi, selon moi, nous ne pouvons plus éviter une entrée en récession. Si Macron est élu demain, celle-ci ne durera qu’une seule année voire deux – Emmanuel Macron ayant déjà su définir et affirmer une stratégie industrielle et numérique pour la France. En 2021, témoin de son attractivité, plus de 1.600 projets d’investissement étrangers ont choisi la France, dont 297 projets allemands qui font de l’Allemagne notre premier « client ».

Les investissements allemands s’arrêteraient net si Le Pen était élue.
Si Marine Le Pen était élue, la récession durerait au moins une décennie (soit les durées conjuguées de son mandat et du suivant) : la défiance des institutions européennes vis-à-vis de notre pays serait telle que nous ne pourrions plus nous appuyer sur le collectif européen pour aller défendre des positions communes et aller chercher des décisions favorables à nos territoires (comme par exemple la réforme du taux minimum d’imposition de 15% sur les multinationales, dite « taxe GAFA »).
Notre isolement politique fragiliserait notre économie en tant que destination touristique, l’image de nos marques de luxe et de nos vins, nos entreprises dans leur quête de conquête commerciale à l’export et d’attraction des talents, et frapperait donc très sévèrement la pérennité de nos emplois.

C’est pourquoi, demain, dans notre intérêt à tous, je vous invite à aller voter pour Emmanuel Macron.

Is France back?

Photo de Caroline De Souza

Les réseaux sociaux furent le théâtre d’un défilé de hashtags du genre #FranceIsBack #TheOtherStartupNation pendant les mois qui suivirent l’élection d’Emmanuel Macron en 2017. Il est vrai que le terrain était largement préparé : la FrenchTech, c’était lorsqu’il était Ministre de l’Economie sous Hollande. Le CICE, dont les effets sur les comptes des entreprises apparurent dès 2016, c’était lorsque Macron était Ministre aussi. Et puis il y eut l’autre idée magique, après la rupture conventionnelle : la Loi Travail de 2016, qui décomplexe employeurs et salariés. Et enfin l’abolition de l’ISF, qui contribue à réhabiliter l’entreprise et l’envie de réussir économiquement ; car l’IFI taxe le vieil argent, celui de la pierre, et quelque part constitue le dernier rempart contre la constitution d’une bulle immobilière. Donc des mesures qui gagnent sans même compter sur les retombées internationales de l’image renvoyée par un Président jeune et svelte, qui clame son ambition, qui maîtrise l’anglais à la perfection, et qui ne faire guère cas de la différence d’âge inhabituelle avec son épouse.

Pourtant, la FrenchTech, c’est aussi un sujet de railleries de la part de nos concurrents européens, et pas qu’au CES Las Vegas, concurrents au premier rang desquels les Allemands ou les Anglais qui nous voient glousser tout haut des cocorico en faisant des selfies, tout en nous observant nous tirer lamentablement dans les pattes entre nous quand l’heure est venue de remporter des marchés – au lieu de patiemment dérouler le lobbying commercial nécessaire pour gagner en équipe des grands marchés stratégiques à l’export. Le CICE, c’est évidemment un pourboire confortable pour l’ensemble du tissu économique, et évidemment aussi un catalyseur de création ou tout du moins de maintien de l’emploi, mais quelqu’un le paie, et ce quelqu’un, c’est l’Etat. Quant à notre Président, il stigmatise, par son parcours et ses codes vestimentaires comme sémantiques, tout ce que la France d’en bas n’a pas.

Cela a donné, contrecoup d’une mesure de limitation de vitesse absolument anodine pour les citadins dont je fais partie, la crise des gilets jaunes. Triste par le vandalisme qu’elle a causé, contre-productive par les problèmes économiques qu’elle a engendré pour les commerces de centre-ville, inquiétante par les violents discours xénophobes qui y furent entendus, désolante pour notre image dans le monde comme pour notre sentiment d’unité, il n’empêche que son anarchisme a laissé entrevoir une fois de plus que la France comptait de nombreux et profonds problèmes sociaux, enracinés dans dans nos petites villes délaissées par l’industrie : des problèmes d’inégalités, des problèmes d’éducation et de formation, des problèmes de retour à l’emploi, des problèmes d’insertion, bref des problèmes de pérennité de notre modèle social, que je résume brutalement ainsi : Pays des Droits de l’Homme, Terre d’accueil et Etat-Providence.

Cependant… Cependant, sur le terrain de l’économie, force est de constater que ça balance pas mal en France, actuellement :

– la conjugaison d’une petite faiblesse conjoncturelle et politique de l’Allemagne, du Brexit, et du marasme italien, fait apparaître la France plus stable et plus forte que ses grands voisins immédiats – car les économies espagnole et helvétique se portent à merveille – ce qui attire des flux investissements étrangers ;

– crise du logement francilienne aidant, des grandes métropoles de Province (Lyon, Bordeaux, Nantes, Lille, Montpellier, Aix-Marseille,…) se réveillent et s’affirment plus qu’auparavant, bénéficiant d’un solde migratoire positif constitué majoritairement de catégories socio-professionnelles élevées en provenance de Région Parisienne, ce qui a pour effet d’offrir de nouvelles options d’implantation à ces fameux investissements directs en provenance de l’étranger, et donc un ré-équilibrage des prix, notamment de l’immobilier en région, hausses favorables à la création d’un patrimoine par des classes moyennes citadines qui auront eu l’idée salvatrice de recourir il y a quelques années à l’endettement pour accéder à la propriété ;

– alors que nous avons pourtant tous les problèmes du monde à former nos jeunes et nos moins jeunes aux grands défis d’aujourd’hui (le digital, l’anglais) et de demain (l’intelligence artificielle, le chinois), il n’a jamais été aussi difficile pour les employeurs de recruter. C’est d’ailleurs devenu leur problème public #1. Mécaniquement, les courbes du chômage sont à la baisse ;

– sur le plan politique, La République en Marche ne compte pas encore d’adversaire, ce qui a pour conséquence de créer de la stabilité ministérielle et du suivi et de la compétence dans les fait de maintenir le cap sur les grands dossiers de réformes, qui sont le fondement de l’élection d’Emmanuel Macron au-delà de son image. Au premier rang desquels, le plus difficile d’entre eux, celui qui doit rendre l’Etat moins gourmand financièrement pour réduire structurellement notre déficit public abyssal. Cela passe par l’instauration de la méritocratie dans l’administration publique, qui n’a foncièrement pas besoin de 5,5 millions de fonctionnaires lorsqu’on compare son efficacité à d’autres pays. Au deuxième rang de ces grands dossiers de réforme, on retrouve un serpent de mer des gouvernements successifs depuis 1995 : la simplification des régimes de retraite, au nombre de 42. Enfin, la nécessaire viabilisation économique de notre schéma d’assurance chômage, beaucoup trop généreux par rapport une fois encore à nos concurrents, et surtout ni soutenable financièrement en temps de crise (c’est un peu la double peine), ni générateur d’agilité dans les compétences que pourraient développer certaines franges largement employables de bénéficiaires des indemnités de chômage.
Une fois ces trois ressorts activés, le temps viendra de s’attaquer sans ancre flottante à nos deux ralentisseurs en chef : nos charges sociales trop élevées et notre ponction fiscale peu flatteuse.

Et ce n’est pas tout ! Pèle-mêle :
– les banques, même si elles ne gagnent pas bien leur vie aux taux de crédit actuels, compensent leurs faibles marges par le volume avec des vannes bien ouvertes en faveur de l’investissement des entreprises dans leur outil industriel qui était vieillissant. Les gagnants de cette facilité d’accès au crédit relativement nouvelle depuis l’inflation galopante des Trente Glorieuses : les PME-PMI un peu, les ETI bien sûr, et même, phénomène inédit de notre histoire économique, les startups ;
– la croissance est là, enfin pas trop quand même, mais toujours plus que l’inflation ;
– la santé boursière des grandes entreprises est certaine, sans non plus que les valorisations ne soient excessives. Ce qui balaye toute idée d’explosion d’une bulle.

Rien n’est parfait, certes. Mais pour une fois, ça va pas mal, malgré les tensions économiques entre la Chine et les Etats-Unis, les tensions diplomatiques aussi (Iran, Hong-Kong, Taiwan,…), ou les difficultés de couple et de moment, au sens physique, au cœur de l’Union Européenne. Donc il y a de quoi être optimiste si structurellement, Macron parvient à venir à bout de son paquet courageux mais longtemps espéré et d’autant plus nécessaire de réformes, et si sur le plan conjoncturel, la géopolitique ne nous rattrape pas dans le sens qu’une guerre entre les Etats-Unis et l’Iran entraînerait, outre une flambée des prix du pétrole que nous importons massivement, un nouveau vent d’incertitude à même de freiner la dynamique économique actuelle dont on sait malgré tout qu’elle ne saurait perdurer sans une résorption durable de la fracture sociale dans l’hexagone. Sans même évoquer la transition énergétique et écologique que nous devons mener de front.

France is Back. Mais notre gouvernement doit avoir le courage d’aller au bout du chemin pour que plus jamais cette expression n’ait à être employée de nouveau.